La découverte
En septembre 2017, Manuela Maury, qui était en train d'organiser la première de son festival de correspondances "Lettres de Soie" demanda à la Fondation Maurice Zermatten de participer à l'événement en exposant à Mase des documents épistolaires de l'écrivain, avec si possible quelques objets personnels... Ce fut le point de départ d'une petite saga que l'Association des Amis de Maurice Zermatten, se plaît à vous conter ici.
La correspondance à exposer s'imposa d'elle-même : Maurice Zermatten et Charles-Ferdinand Ramuz ayant entretenu une relation épistolaire régulière et abondante (une soixantaine de lettres de Ramuz à Zermatten, et probablement autant dans l'autre sens, même si on en a que quelques exemplaires) durant une vingtaine d'années, il semblait intéressant de montrer quelques unes de ces lettres, d'autant plus qu'une jeune universitaire, Mme Suzanne Crettex, était en train de travailler sur cette correspondance et avait un projet de publication.
La quête d'objets personnels de l'écrivain ne fut pas trop compliquée, puisque divers objets ayant appartenu à l'écrivain pouvaient être facilement exposables, dont des photographies (notamment avec Ramuz), des livres et publications en tous genres ; on décida aussi de déménager le bureau de l'écrivain de son petit chalet de Grangeneuve, à l'Ecurie des chèvres de Mase, mise à disposition pour cette exposition. C'est ainsi que les visiteurs des Lettres de Soie furent, dès leur entrée dans l'Ecurie des Chèvres, plongés dans l'ambiance laborieuse de l'écritoire de MZ, où tronait son bureau, accompagné de divers objets familiers, dont quelques unes de ses fameuses pipes, mais aussi toutes sortes d'objets du quotidien, ainsi que quelques documents manuscrits.
Aux murs, des photos, des reproductions, des tableaux qui lui étaient chers, dont un portrait de son ami Ramuz par Blanchet, et plusieurs sous-verres (tableaux religieux de confection primitive, qu'il collectionnait) ; de même des objets en bois sculpté pour lesquels il avait une affection particulière.
Et deux bustes de lui: l'un modelé en plâtre par son ami Gherri-Moro, qui trônait à l'époque à la maison de Gravelone ; l'autre un buste quasi-inconnu et qui sortait de nulle-part !
La découverte c'était un buste.....et le début d'une jolie aventure. La première surprise fut évidemment la découverte de ce buste de Maurice Zermatten, totalement oublié de tous et donc jamais montré au public. Même dans la famille de l'écrivain, peu avaient souvenir de cette sculpture. Quelle ne fut donc pas la stupéfaction, lorsque fouillant les caisses d'archives entreposées au sous-sol de la Liseuse à Sion, intriguée par une caisse à vendanges recouverte d'une sorte de drap blanc, Françoise Zermatten Berclaz se trouva littéralement face au buste de son père, comme sortant de son linceul ! Immédiatement frappée par l'excellente facture de ce buste, elle eut l'idée de le montrer à Mase et cette représentation de Maurice Zermatten trôna donc à l'Ecurie des Chèvres durant toute l'exposition.
Conservation, moulage et coulage
Mais un petit problème guettait : si l'œuvre réalisée à l'échelle 1/1 d'un visage humain, en plâtre, mais avec des décorations au pinceau, qui faisaient croire à un bronze, il est vite apparu que ce buste était en mauvais état et que le plâtre était fissuré à plusieurs endroits, menaçant sérieusement l'œuvre. Il fut donc rapidement décidé de réaliser un moulage du buste pour le préserver, ce qui fut réalisé par M. Pierre-Alain Bruchez, puis de le confier à la restauratrice d'art, Mme Gisèle Carron. Cette dernière entreprit un travail de conservation et de restauration, qui redonna solidité au plâtre et lustre à l'œuvre.
A la suite de ces démarches, il sembla opportun de réaliser un coulage en bronze de ce buste, sur la base du moule réalisé ; ce qui fut finalisé au début 2018, chez M. Carlos de Oliveira, fondeur d'art à Grône. Le bronze se trouve actuellement à la Liseuse, à Sion, où beaucoup d'entre vous avez déjà pu l'admirer.
L'EPFL fait revivre le buste
Dans la foulée, avec M. Pierre-Alain Bruchez, qui a dirigé tout ce processus, il fut imaginé de placer ce buste, dans une version un peu agrandie, sur la place Maurice Zermatten entre Valère et Tourbillon. Ce projet fut présenté à la Ville de Sion qui accueillit cette idée avec enthousiasme ; l'architecte de la Ville trouva également l'idée séduisante.
Fort de ces avis, les aspects de réalisation techniques furent abordés avec l'EPFL, campus de Sion, pour pouvoir numériser le buste, l'agrandir à 1,5 fois, puis l'usiner dans un bloc de résine; ceci permettant d'obtenir un deuxième « original » pour couler ensuite l'œuvre augmentée, en bronze, chez M. de Oliveira.
Aussitôt dit, aussitôt fait : le buste fila d'abord à Genève, où il fut photographié, sous toutes ses coutures, par des caméras 3 D qui le numérisèrent de manière très complète, au moyen de triangulations très savantes et de millions de points de repères, le out grâce à la technologie novatrice développée par des spécialistes de la sauvegarde des monuments historiques de la Haute École du paysage, d'ingénierie et d'architecture de Genève (HEPIA).
Ces données furent ensuite transmises à l'EPFL, atelier de mécanique, à Sion, où attendaient avec impatience M. Stéphane Voeffray, chef de l'atelier mécanique et Robin Délèze, polymécanicien ; diable c'est pas tous les jours qu'un tel travail se présentait ! Mais avant qu'ils ne se mettent à la tâche, une rencontre eut lieu entre les responsables (MM. Voeffray et Berclaz de l'EPFL), Mme Carron restauratrice et MM. Bruchez et Zermatten sur la faisabilité de ce projet. Celle-ci fut rapidement confirmée et M. Berclaz autorisa ses services à effectuer ce travail, en utilisant des machines réservées aux besoins internes, mais non disponibles pour le public ou les entreprises. A ses yeux, c'était rendre à la Ville de Sion, ce qu'elle apporte à l'EPFL. Les travaux d'usinage / fraisage prirent plus de 48 heures pour dégrossir le bloc de résine et faire apparaître, petit à petit, le visage complet de Maurice Zermatten, sous l'œil attentif de nombreux badauds intrigués par ce travail d'extrême précision, qui fut suivi par la confection de plusieurs moules (négatifs et positifs) en polymère, puis en cire et enfin en plâtre réfractaire. Avant d'obtenir un premier coulage, puis de subir toutes les différentes étapes de soudage, ponçage, polissage, et celles finales qui donnent la patine (soit une vingtaine d'opérations successives au bas mot).
L'auteur du buste : Lucien Delerse
Un mot sur son auteur : le buste est signé en bas à gauche du nom de Delerse ; on ignore la date exacte et les raisons de sa réalisation (commande, rencontre des deux artistes ?). Les recherches sur ce sculpteur ont permis d'établir qu'il s'appelait Lucien Delerse, qu'il était diplômé de l'lnstituto reale delle Belle-Arti de Florence et qu'il fut professeur de modelage et de sculpture aux Beaux-arts de Lausanne, dont il assura la direction ; il s'en retirera en l96l.
Il est connu pour de nombreux bustes ou moulage, dont ceux du théologien Henri Vuilleumier, de Maximilian Harden, de Jean Daetwyler, d'Auguste Piccard et Léopold Biberti. Il meurt le 22 décembre 1980 à Aigle.
Emplacement du buste
Dans le déroulement dynamique du projet "Buste MZ", on vécut un sérieux ralentissement dès le printemps 2018 et il fallut une demi-douzaine de visites des lieux, avant de trouver la solution idéale qui corresponde à la fois aux attentes de la Fondation MZ et des Amis de MZ, comme celle des édiles, voire des propriétaires des lieux attenants à la Place Maurice Zermatten, entre les deux collines de Valère et de Tourbillon.
Le premier emplacement envisagé fut de placer le buste près du cerisier, seul arbre de la place ; mais une possible atteinte aux racines de l'arbre fit modifier l'endroit ; puis, il fut décidé de le placer dans le verger attenant la place, à son levant, pour éviter d'enlever les pavés : le Chapitre Cathédrale, propriétaire du verger, s'opposa à cet emplacement. Par la suite, de nombreuses autres solutions furent examinées y compris celle de le placer sur la Grange à Joseph, qui se trouve à droite de la place, ou sur le mur entre la grange et la buvette, ou sur un socle, là où s'arrête le bus.
Finalement, après beaucoup de dépense salivaire, de courriers et courriels, de plans et d'ébauches, la solution retenue et qui sera réalisée est de placer le buste au fond de la place, à gauche, juste avant la fontaine. Le piédestal a été choisi : il s'agit d'un bloc de pierre de St. Léonard, dans les tons du mur de soutènement du chemin qui mène à Tourbillon, bloc provenant de la Carrière de St. Léonard et travaillé par le tailleur de pierre Pierre Lomazzi à Sion, avec 2 faces polies et 2 faces brutes. Le buste est placé à une hauteur de 1.80m, ce qui fait qu'il est plus ou moins à hauteur d'homme.
L'installation sera effectuée en mai et le vernissage est prévu le 12 juin 2019. Ce sera un sacré plus pour la place !
Il faut remercier toutes les personnes qui sont intervenues pour permettre la finalisation du projet, soit Philippe Varone, Pierre-Alain Bruchez, Gisèle Carron, Gaëlle Métrailler, Geneviève Nanchen, Marc-André Berclaz, Stéphane Voeffray, Robin Délèze, Carlos de Oliveira, Pierre Lomazzi, Frédéric Favre et Arthur, Jean-Paul Chabbey, Marc-André Tissières et Raphy Moulin.